Fonds La Broquerie

À la naissance du Manitoba en 1870, La Broquerie était encore une petite colonie qui aspirait à son développement régulier. En effet, en dépit des efforts de Monseigneur Taché pour peupler le sud-est manitobain de colons français et catholiques, la région semblait refuser son essor durant les premières années. L’arrivée du premier train à l’automne 1898 donna le coup de semonce à la croissance de cette nouvelle municipalité. La population a augmenté systématiquement au point où on peut parler d’une véritable explosion démographique au début du 20e siècle. Sur le plan économique, un petit centre de services s’est développé rapidement tandis que des industries de base ont pris naissance dans le secteur du bois et de l’agriculture. La base économique du village à la fin de cette période était suffisamment forte pour espérer un développement accentué.

Municipalité La Broquerie. Photo prise par Gilbert Gauthier.

Au point de vue culturel, la communauté de l’époque était très dynamique et se caractérisait par une forte expansion. La vie culturelle, très centrée sur la religion, était néanmoins de tendance humaniste. Elle démontrait des traits de personnalité très distincts, teintés d’influences aussi bien européennes que nord-américaines, formant toutefois une identité francophone tout à fait à part, fière et sûre d’elle même.

Cependant, c’est surtout dans le domaine éducatif que s’est exprimée très tôt l’attachement à la langue française et à l’héritage des ancêtres. Durant les années 20, le projet éducatif se verra assuré d’une nouvelle continuité avec l’arrivée des Sœurs Grises dont l’action a été déterminante dans la préservation et l’épanouissement de la langue et de la culture française. Grâce à leur implication et à l’engagement de la communauté, des générations de jeunes ont pu continuer à étudier dans la langue de leurs parents et à perpétuer le legs des anciens.

Pendant la Deuxième guerre mondiale et la période de la récession, La Broquerie a vécu des épisodes difficiles de son histoire. La population baisse rapidement, l’économie recule, mais socialement, la communauté reste vigoureuse et on assiste durant ces moments de crise à un formidable élan de solidarité et de créativité.

Des institutions coopératives de toutes sortes ont fait leur apparition durant cette période. Un nouveau leadership composé de jeunes les animait et en faisait un élément moteur de la dynamique économique de la région. Des organisations féminines, qui, en plus de prôner la moralité catholique de l’époque, s’engageaient à alléger le fardeau des familles dans le besoin et s’activaient dans les œuvres de solidarité communautaire. Des organisations de jeunes, poursuivant aussi plus ou moins les mêmes buts ont vu le jour de façon spontanée et pris la relève.

Cette période difficile, affrontée avec beaucoup de courage et un sens élevé de l’engagement, prend alors fin sur une note optimiste : la reprise économique est enclenchée. La Broquerie va rentrer dans une ère de changements profonds qui vont restructurer son économie de fond en comble et la propulser, durant les années 60, vers une prospérité et un bien être social sans précédent.

Parallèlement à cette expansion économique, les activités et les institutions d’animation sociale et culturelle se multiplièrent. Des événements tels que la Fête de la Saint-Jean-Baptiste, les soirées de théâtre, le sport amateur connaissent une grande popularité et leur écho a vite fait de déborder des frontières locales et provinciales, voir même nationales.

Mais il faut dire que les paroissiens de La Broquerie comme plusieurs autres franco‑manitobains ont vu dans ces années de changement le plus grand défi qu’ils ont eu à relever dans le maintien de leurs valeurs, aussi bien linguistiques que religieuses. Sous l’influence du monde moderne, les valeurs traditionnelles furent quelque peu appelées à s’ajuster avec, comme toile de fond, la préservation de l’identité culturelle. Les générations arrivent ingénieusement à mélanger l’ancien et le nouveau, la tradition et la modernité.

Aujourd’hui, cette communauté est particulièrement dynamique et sa place dans le paysage de la francophonie manitobaine est hautement appréciée. Les projets à vocation communautaire ne manquent pas et traduisent l’engagement solidaire de tous ses membres. L’existence d’un fonds communautaire auprès de Francofonds pour financer certains de ces projets est un signe indéniable de la vitalité de la communauté.